© Nicole Cornec / Arvalis
Tout savoir sur les mycotoxines
Définition des mycotoxines
Les mycotoxines sont des substances d'origine naturelle produites par certains champignons (ou « moisissures ») sur des denrées d'origine végétale comme les céréales (blé, orge, maïs, triticale, seigle…), les fruits, les noix ou encore les amandes. Dans le cas des céréales, ces petites molécules peuvent, dans certaines conditions, être présentes sur et dans les grains ou les fourrages destinés à l'alimentation animale.
Certaines mycotoxines se développent au champ (on parle de mycotoxines de champ), d’autres au stockage (on parle de mycotoxines de stockage). D’autres encore se développent au champ puis au stockage.
Comment se développent-elles ?
Plusieurs facteurs favorisent l'apparition des champignons producteurs de mycotoxines lors de la croissance des céréales au champ. A commencer par un élément clé : les conditions météorologiques. Une forte humidité ou une température élevée peuvent par exemple augmenter les risques. Un temps pluvieux au moment de la floraison est tout particulièrement redouté. D'autres paramètres peuvent également favoriser le développement des champignons comme le choix d'une variété peu résistante ou l'absence de labour.
Ceci étant, la présence de ces champignons sur les céréales n'implique pas systématiquement la sécrétion de mycotoxines. Là encore, les facteurs environnementaux (température, hygrométrie) jouent un rôle central et feront que, à contamination fongique égale, la teneur en mycotoxines variera sensiblement.
Lors de la phase du stockage des grains, le développement des mycotoxines sera à nouveau grandement favorisé par un environnement humide et des températures élevées. Les risques seront également plus importants si les grains sont endommagés ou si les céréales ne sont pas suffisamment sèches lorsqu'elles sont entreposées.
Plusieurs centaines de mycotoxines ont déjà été identifiées par les scientifiques, mais seules une trentaine peuvent représenter un réel risque pour l'homme ou l'animal. Leur présence dans des produits végétaux n'a rien de nouveau : les alcaloïdes produits par un champignon nommé l'ergot du seigle, ont été à l'origine de nombreuses contaminations humaines au Moyen-Age. On appelait alors cette maladie le « mal des ardents ».
Désormais, on connaît son origine : depuis les années 60, les mycotoxines ont en effet été identifiées et leur présence a été associée à la survenue d'incidents sanitaires. Cela a permis de prendre des mesures pour réduire au maximum les incidences sur la santé humaine. Aujourd'hui, les phénomènes d'intoxication aigüe chez l'homme (exposition unique à de fortes doses de toxines entraînant des symptômes immédiats pouvant aller jusqu'au décès) sont devenus exceptionnels.
On redoute davantage les effets d'une exposition répétée à de faibles doses de toxines. Leurs impacts peuvent être nombreux : atteintes à différents organes (foie, reins...), déficience immunitaire ou développement de cancers. Les enjeux de santé publique sont donc considérables, et expliquent aujourd'hui l'engagement des filières, de la communauté scientifique et des pouvoirs publics pour contrôler le risque.
Qu'en est-il sur la santé des animaux ?
Certaines mycotoxines ont également des effets négatifs sur la santé des animaux. Leur présence et leurs concentrations dans les aliments destinés aux animaux d’élevage sont donc très surveillées. Les risques sont directs sur certains animaux (impact sur leur santé, leur reproduction et sur leur croissance). Certaines mycotoxines font l’objet d’un contrôle et d’une réglementation renforcés sur l’alimentation des animaux car elles peuvent être à l’origine d’une contamination du lait.
Des réglementations ont été mises en place dans plus de 100 pays. Elles définissent, pour les toxines jugées préoccupantes, des valeurs seuils à ne pas dépasser dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, Ces limites ont été établies avec des coefficients de sécurité garantissant que les produits n'aient pas d'impact sur la santé humaine et animale.
Dans l'Union européenne, la mise sur le marché et l'utilisation des grains et coproduits céréaliers n'est donc possible que si la présence de certaines mycotoxines est inférieure à des teneurs maximales. Ces teneurs peuvent faire l’objet d’une réévaluation afin de les adapter au risque, aux connaissances scientifiques et au niveau d’exposition des populations.
Les textes européens prévoient également la mise en place de plans de surveillance de certaines denrées. En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mène régulièrement des contrôles [1] à ce sujet.
Enfin, lorsqu'un lot est jugé non-conforme à la réglementation, il est interdit de le mélanger avec des lots conformes. De même, l'usage de procédés chimiques pour « décontaminer » des lots est interdit.
Différentes pratiques agricoles permettent de prévenir ce risque :
- La rotation des cultures (enchaînement varié et raisonné des cultures sur une parcelle agricole) tout d'abord, permet de rompre les cycles de certains pathogènes.
- Afin de réduire au maximum les impacts de la météorologie sur l'apparition de mycotoxines, les agriculteurs adaptent également leurs dates de semis (de préférence précoces pour le maïs).
- La pratique du labour a aussi un impact préventif positif.
- Les agriculteurs peuvent se tourner par ailleurs vers des variétés les plus résistantes aux champignons à l'origine des mycotoxines.
- Des traitements fongiques ciblés peuvent également se révéler efficaces contre la présence de champignons.
- Les technologies viennent aussi en support pour rendre ce travail de prévention plus performant.
- Des outils d'aide à la décision (par exemple des systèmes d’alertes pour les agriculteurs basés sur des modèles agronomiques) permettent ainsi de mieux évaluer le risque mycotoxine dans les parcelles de céréales.
Des mycotoxines peuvent également se développer lors du stockage des céréales. Cette étape doit donc être conduite avec rigueur, en privilégiant certaines pratiques. Cela commence avant même l'arrivée des grains, avec un nettoyage approfondi des installations. Lors de la prise en charge des céréales, la prévention passe par l'élimination des impuretés, par exemple à l'aide d'un nettoyeur séparateur. Des opérations de tri seront par ailleurs menées sur des lots identifiés comme contaminés, afin d'éliminer les grains touchés ou certains champignons.
Les conditions de stockage sont également très importantes. Les opérateurs veillent au taux d’humidité et à la température des grains stockés. La conservation des grains s'effectue par un séchage préalable des grains avant stockage (cas fréquent du maïs), puis par le refroidissement des cellules de stockage via un système de ventilation.
Autocontrôles et analyses en laboratoire sont par ailleurs régulièrement réalisés pour s'assurer du respect des valeurs seuils de mycotoxines autorisées. Les lots ayant des teneurs trop importantes, même après nettoyage et/ou tri, sont orientés vers une utilisation non-alimentaire, ou sont détruits.
Ce contrôle régulier se retrouve tout au long de la filière, de la mise en marché à la transformation, jusqu'à la distribution. Un système de traçabilité est également en place. Un ensemble de mesures qui permet de proposer aux consommateurs des produits dans le respect de la réglementation européenne. Toutes ces mesures sont également appliquées pour les céréales destinées à l’alimentation des animaux d’élevage. Certaines espèces comme les suidés sont particulièrement sensibles à certaines mycotoxines ce qui nécessite une surveillance renforcée et d’écarter certains lots de leur alimentation.
Afin de disposer d'une analyse la plus précise possible de la qualité sanitaire de la filière céréalière, un observatoire baptisé Hypérion [2] a été mis en place par ses acteurs. Il permet aux différents maillons de la filière (producteurs de céréales, organismes stockeurs, transformateurs, exportateurs...) de transmettre les résultats des analyses et autocontrôles qu'ils ont réalisés, notamment concernant les mycotoxines.
Cette mutualisation des données donne la possibilité à chaque organisme de se situer par rapport à la réglementation en cours et les valeurs seuils imposées mais aussi par rapport à l'ensemble des structures participantes. Hypérion accompagne également les structures du secteur céréalier dans la réalisation de leur plan de surveillance et leur permet d'avoir une bonne maîtrise des obligations réglementaires.
Le secteur de la nutrition animale a de son côté mis en place depuis plus de 10 ans un plan de contrôle spécifique géré par l’Association OQUALIM. Il a pour vocation de garantir, à l'échelle de l'ensemble des entreprises participantes, le contrôle de la sécurité sanitaire des aliments destinés aux animaux d’élevage. Les mycotoxines sont parmi les contaminants les plus surveillés.
On entend parfois...
… que les céréales cultivées en bio seraient plus sensibles aux mycotoxines
Beaucoup d'informations, souvent contradictoires, circulent sur la sensibilité des productions bio aux mycotoxines. Sur cette question, l'avis émis par l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) en 2003 indique que le risque n'est ni plus ni moins élevé. Plus que le mode de culture, ce sont les conditions météorologiques qui apparaissent déterminantes pour expliquer le développement de mycotoxines.
… que la présence de mycotoxines progresse
C'est faux. Leur présence est variable d'une récolte à une autre, notamment en fonction des conditions météorologiques. Elles sont surtout davantage prises en compte, surveillées et contrôlées.