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Comment protéger les cultures céréalières des maladies et ravageurs
Passion Céréales
Désignés sous le terme générique de « bioagresseurs », les ennemis des cultures céréalières se répartissent en trois catégories : les maladies, les ravageurs et les adventices ou « mauvaises herbes ». Les premières sont généralement dues à des parasites qui s’attaquent aux feuilles, au pied, à la tige ou aux épis. Les plus répandues sont la septoriose du blé, imputable à un champignon qui pénètre la feuille et la nécrose, la fusariose (blé, maïs), qui bloque le flux de sève entre la racine et le sommet de la plante, ou encore le piétin échaudage (blé, triticale) qui détruit les racines. Certaines maladies virales sont apportées par des insectes, comme le puceron dont la piqûre peut provoquer une jaunisse nanisante qui ralentit la croissance des plantes (blé, orge, avoine).
« Si, par le passé, certaines régions de production étaient plus exposées que d’autres à des maladies spécifiques, l’évolution du climat, avec notamment des hivers de plus en plus doux, a complètement rebattu les cartes, souligne Philippe Gate, directeur scientifique d’ARVALIS-Institut du Végétal. La répartition, l’émergence et la vitesse de multiplication des maladies sont de plus en plus complexes à prendre en compte. » Le constat vaut également pour les ravageurs dont le réchauffement climatique favorise la prolifération et l’extension géographique. Dans ce domaine, les cultures sont exposées aux vers et insectes du sol (nématodes, taupins…), aux insectes aériens (pucerons, mouches, cécidomyies…), aux limaces ainsi qu’aux oiseaux (corbeaux, pigeons), qui se repaissent des grains.
Enfin, le troisième défi se joue contre les mauvaises herbes, car l’apparition de plantes dites « adventices » exerce une concurrence préjudiciable aux céréales, que ce soit pour l’eau, les minéraux disponibles dans le sol ou la lumière qui sont indispensables à la croissance et à l’épanouissement des plantes cultivées et, par conséquent, aux rendements des cultures.
Le combat que mènent les agriculteurs contre les agresseurs des plantes s’inscrit dans une stratégie de « lutte intégrée » qui englobe la prophylaxie, le diagnostic et la lutte directe. Comme pour la santé des humains, la notion de prophylaxie consiste à agir en amont afin de prévenir l’apparition des agresseurs.
Dans cette optique, l’agriculture dispose aujourd’hui de différents leviers, avec en premier lieu la génétique qui, grâce au travail d’amélioration variétale [1], permet de mettre au point des variétés de plantes naturellement plus résistantes aux maladies et parasites, moins sensibles aux effets des évolutions climatiques. La prévention se développe ensuite au plan agronomique où les techniques de travail du sol [2] associées aux solutions offertes par les rotations culturales [3] permettent de préparer au mieux le terrain pour en faire un milieu moins favorable aux ennemis de la plante.
Une lutte ciblée et maîtrisée
Lorsque des agresseurs apparaissent dans les cultures, l’agriculteur passe au second niveau d’action : la « lutte directe ». Celle-ci s’appuie avant tout sur une phase d’observation et de diagnostic visant à évaluer le niveau de risque et d’infestation pour intervenir à bon escient. Grâce aux nouvelles technologies de l’information [4] et aux outils d’aide à la décision, l’agriculteur est en mesure d’intervenir au bon moment, sur des zones ciblées au sein de chaque parcelle, avec une précision de l’ordre du centimètre.
Comme l’explique Philippe Gate, « c’est alors qu’entre en jeu la lutte chimique conventionnelle qui repose sur l’utilisation des produits phytosanitaires destinés à combattre l’infestation en fonction des agresseurs : pesticide, fongicide, insecticide, herbicide. En ce qui concerne les adventices, l’agriculteur peut également faire appel à la lutte physique avec le désherbage mécanique qui, sous certaines conditions, est une solution efficace pour réduire les utilisations d’herbicides. »
Dans sa lutte contre les bioagresseurs, l’agriculteur peut également recourir aux ennemis naturels des agresseurs avec, par exemple, le cas bien connu des coccinelles qui sont de grandes consommatrices de pucerons et de leurs larves. « Si cette technique fonctionne bien sur des petites cultures comme le maraîchage, elle est en revanche moins efficace sur de grandes surfaces, relativise Philippe Gate. Néanmoins, on obtient de bons résultats avec le trichogramme qui est un micro insecte prédateur de la pyrale du maïs. »
La panoplie de solutions dont dispose l’agriculteur s’enrichit en permanence, notamment grâce à l’émergence des méthodes dites de « biocontrôle ». L’une d’entre elles consiste à tirer parti d’une substance naturelle qui a un effet sur l’agresseur ou qui renforce la capacité d’une plante à s’en protéger par défense ou par répulsion du nuisible.
Pionnier dans l’univers céréalier, le Vacciplant est, par exemple, un agent de lutte biologique contre certains champignons parasites dont le principe actif est extrait d’une algue utilisée de longue date en agroalimentaire pour ses qualités gélifiantes. « De manière générale, la stimulation du système de défense des plantes est un enjeu pour la recherche, note Philippe Gate. Il consiste à identifier les molécules capables d’interagir avec la plante pour lui faire accroître sa capacité de défense par voie métabolique, autrement dit par elle-même. »
Autre voie explorée, l’implantation de « plantes pièges » qui modifient le comportement des insectes : on les utilise soit pour repousser les insectes ravageurs soit, au contraire, pour attirer les prédateurs d’un insecte nuisible. D’autres végétaux peuvent aussi être utilisés pour leurs propriétés dites « allélopathiques », c’est-à-dire qu’elles bloquent le développement d’autres plantes, notamment des mauvaises herbes, sur les sols cultivés. Ce phénomène fonde le principe des « cultures intermédiaires » qui, mises en place entre deux grandes cultures, protègent le sol et favorisent l’implantation de la culture suivante. « L‘efficacité à 100 % de ces différentes approches n’est pas encore là, concède Philippe Gate, mais la recherche est active, et les voies sont désormais tracées avec des perspectives d’avancées significatives à cinq ou dix ans. »
Le microbiote au champ Après sa récente apparition dans le champ de la médecine humaine, le concept de « microbiote » devient un axe de recherche de la science du végétal. Fondé sur la théorie de l’hologénomique, décrite en 2008 par un couple de chercheurs israéliens, son objectif consiste à comprendre les interactions du génome de la plante avec le génome d’éléments présents dans le sol pour en tirer parti dans le cadre de la lutte biologique. À suivre… |