De la terre à la mer… Sur la route des céréales
Globalement, sur une production nationale annuelle de céréales de près de 73 millions de tonnes, 7 Mt, soit un peu moins de 10 %, sont autoconsommés sur place, à la ferme, essentiellement pour l’alimentation animale. Sur les 66 Mt restantes, 29 Mt parcourent la France et 37 Mt le monde. Ces volumes sont commercialisés par le réseau des collecteurs. Constitué de coopératives et de négociants agricoles, celui-ci dispose de plus de 7 500 centres de collecte et de stockage répartis sur l’ensemble du territoire1. Les collecteurs permettent à la fois le regroupement et la mise à disposition à tout moment de l’année de lots dont les quantités et les qualités répondent aux besoins des industriels de première transformation et des marchés d’export. En outre, ils assurent un approvisionnement régulier des marchés.
Les sites de collecte et de transformation sont généralement implantés « au bout du champ », soit à une dizaine de kilomètres des cultures. Après récolte, les céréales sont acheminées par la route vers les silos pour y être stockées. Ensuite, les collecteurs livrent les céréales aux sites de première transformation (moulins, semouleries, amidonneries, malteries, fabricants d’aliments pour le bétail…) qui se trouvent, le plus souvent, à moins de 200 km.
En France, les transports intérieurs de marchandises sont encore largement dominés par le mode routier, à hauteur de 87,8 %, y compris en ce qui concerne les matières premières agricoles. Afin de contribuer à la nécessaire amélioration du bilan carbone des flux logistiques, les acteurs de la filière céréalière ont mis en place différentes initiatives. Côté route, les efforts portent sur le renouvellement progressif des flottes par des camions obéissant aux nouvelles normes antipollution (Euro5, Euro6), l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules, la réduction des kilomètres parcourus à vide ou encore le renforcement du transport combiné route-rail.
Le rail est ainsi de plus en plus fortement mis à contribution. Les céréales représentent à elles seules 10,2 % du fret ferroviaire agricole et alimentaire, mobilisant chaque année plus de 10 000 trains. Une dynamique dont la région Centre offre une bonne illustration. 85 % de la récolte (9 Mt par an) est utilisée en dehors de la région : un tiers en France, un tiers dans l’Union européenne, le solde vers les pays tiers. Plus de 2 Mt sont, par exemple, sont acheminées chaque année par train depuis la région vers la Bretagne2 pour approvisionner les coopératives agricoles locales. Les céréales sont expédiées à partir d’installations terminales embranchées (ITE) dont le principe repose sur le raccordement au réseau ferré national qui permet de desservir pas moins de 65 silos embranchés, offrant une capacité de 15 000 tonnes à 60 000 tonnes chacun. Les céréales sont chargées dans des trains entiers, par lots de 1 400 tonnes.
Avec 6 700 km de rivières et canaux aménagés, la France bénéficie d’intéressantes infrastructures de transport fluvial. Bien que minoritaire, ce mode de transport connaît une progression constante à laquelle le transport des matières premières agricoles et alimentaires, et en premier lieu des céréales, contribue de manière significative. Ainsi, le secteur oriente 3,7 % de son fret vers le fluvial, contre une moyenne de 2,4 % toutes marchandises confondues. Plusieurs arguments expliquent l’importance croissante du fluvial dans les flux céréaliers. D’une part, les barges sont des contenants bien adaptés au transport des grains en vrac, ce qui n’est pas toujours le cas pour d’autres ressources agroalimentaires qui nécessitent des dispositifs spécifiques. Sur le plan économique, le prix du transport fluvial de marchandises est très compétitif, soit deux à quatre fois moins cher que par la route. Il est aussi intéressant en termes de bilan carbone global car une péniche peut transporter l'équivalent de 125 camions.
Les importants investissements consentis par tous les acteurs publics et privés pour aménager les infrastructures portuaires vont permettre d’accroître la part de ce mode de transport dans les années à venir. Au total, on prévoit un doublement du transport des céréales par voie fluviale d’ici à 2020. C’est ainsi que le port de Rouen a lancé en 2013 un vaste plan de rénovation de ses accès maritimes qui s’achèvera en 2018. Ces travaux d’envergure viennent en complément du renforcement des quais et de l’augmentation du tirant d’eau en Seine autorisant la montée et la descente jusqu’à Rouen de navires d’un gabarit plus important et correspondant à la modernisation de la flotte.
35 millions de tonnes de céréales sont chargées chaque année sur les navires qui les transportent à l’export grâce à un réseau de ports céréaliers maritimes et fluviaux à la fois dense et harmonieusement réparti : Dunkerque, Nantes-Saint-Nazaire, Caen, Le Havre-Rouen-Paris (HAROPA), La Rochelle, Bordeaux, Port-La-Nouvelle, Sète, Marseille Fos-sur-Mer, Metz... Elles rejoignent ensuite les pays de l’Union européenne, les rivages des pays du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, l’Égypte mais aussi l’Asie du Sud-Est et la Chine. Aujourd’hui, les autorités portuaires multiplient les initiatives pour élargir « l’hinterland », cette zone d’influence et d’attraction économique autour des ports et pour mettre à disposition de la filière céréalière française un outil logistique multimodal et performant qui renforce ses capacités à l’export. Et qui rapproche ainsi les marchés mondiaux des sites de production.
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1. Source : Collecte, stockage, commercialisation et transport de céréales, oléagineux et protéagineux, Coop de France-Les journaux officiels, août 2011
2. Source : Ministère de l'Ecologie / Direction régionale de l'Equipement Bretagne "Le transport ferroviaire des céréales depuis la région Centre vers la Bretagne"
Le groupe coopératif Terroirs du Sud a choisi de concentrer ses livraisons de céréales sur des acteurs locaux. Ainsi, le blé dur collecté par Terroirs du Sud approvisionne l’usine marseillaise du leader français des pâtes, Panzani. De même, la totalité de la récolte de blé tendre est acheminée vers des meuneries locales qui, à leur tour, fournissent aux boulangeries de la région une farine 100 % locale. Idem pour le maïs et le sorgho qui sont transformés en alimentation animale à proximité des lieux de production. Côté export, Terroirs du Sud privilégie le transport fluvial pour acheminer les volumes de blé tendre. Les expéditions sont concentrées sur le port des Tellines, à Fos-sur-Mer, que la coopérative approvisionne via le port fluvial de Bollène, soit par barges, soit directement par bateaux maritimes car ceux-ci peuvent remonter le Rhône jusque-là.