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Dossier

L’eau, une ressource stratégique pour l'humanité comme pour l'agriculture

L'accès à l'eau est l’un des grands enjeux planétaires de ce siècle. La Journée mondiale de l’eau – célébrée chaque 22 mars sous l’égide des Nations Unies depuis 1993 – vise à promouvoir une gestion durable des ressources en eau douce. Cette préoccupation est ancrée depuis longtemps au cœur des cultures céréalières, soucieuses à la fois de « produire plus avec la même goutte d’eau » et de « produire mieux en protégeant l’eau ». Elle fait des agriculteurs des partenaires à part entière de la gestion de la ressource en eau.


C’est un fait établi : de tout temps il a été impossible, et il restera impossible, de cultiver des céréales sans eau... En effet, l’eau joue un rôle important dans le processus de photosynthèse. Elle est également impliquée dans le transfert des éléments nutritifs (sucres, protéines…) élaborés et stockés dans la plante, ainsi que dans le refroidissement des tissus directement exposés au soleil. Au-delà de cette réalité biologique, il est aujourd’hui acquis qu’une irrigation bien conduite est un facteur de durabilité : elle assure une production alimentaire régulière et de qualité, elle contribue également à l’équilibre agronomique des terres par la restitution de matières organiques et par la gestion de l’apport d’engrais azotés calculé sur la base d’un rendement probable. Plus généralement, elle participe indirectement à la préservation d’une économie rurale en maintenant les exploitations et les emplois de toute une filière, assurant l’équilibre des espaces ruraux et touristiques.

Les enjeux sociétaux et environnementaux, tout comme les contraintes économiques ont conduit depuis de nombreuses années les agriculteurs à faire évoluer les pratiques culturales afin d’optimiser l’utilisation de l’eau. Quatre leviers principaux sont mis en œuvre au quotidien sur les exploitations céréalières : le pilotage de l’irrigation, l’adéquation du réseau d’irrigation, l’accroissement des capacités de stockage de l’eau et, enfin, le savoir-faire d’ensemble de l’agriculteur.

Le pilotage de l’irrigation. L’agriculteur dispose de toute une série d’outils et de techniques lui permettant d’apporter à la plante l’eau au bon moment et en quantité adéquate. Ces outils gèrent la prise en compte de l’ensemble des facteurs externes : sol, vent, pluie… Les travaux de recherche, et notamment ceux de l’INRA, d’Arvalis-Institut du Végétal ou de Génoplante, ont permis d’optimiser l’utilisation de l’eau dans le but de « produire plus avec moins d’eau ». On estime que la connaissance des besoins en eau de chaque culture (volume et rythme des consommations), l’amélioration génétique, la sélection des variétés et leur adaptation au milieu cultivé ont directement généré une économie d’eau de 30 % sur les trente dernières années. Les tensiomètres et les logiciels de pilotage de l’irrigation, associés à un matériel d’aspersion plus précis, participent eux aussi à la réduction des prélèvements sur la ressource en eau.

Le réseau d’irrigation. Pour l’agriculteur comme pour tous les citoyens, l’eau a un coût. En moyenne et par exploitation ce coût s’élève environ à 10 000 euros, perçus via un système de redevance annuelle. L’agriculteur veille donc à améliorer en permanence son matériel et à maîtriser son utilisation pour éviter fuites et gaspillage. Des investissements financiers importants, à la hauteur des enjeux, permettent à l’agriculteur d’aller chercher l’eau là où elle est disponible (forage, bassin…) et de la conduire dans les champs par des réseaux adaptés (tuyaux, enrouleurs, rampes…).

Le stockage. L’eau abondante, lors des périodes de pluie et de fonte des neiges, est stockée. Dès lors, elle sera mobilisable à tout moment, notamment en période de sécheresse, par l’agriculture, mais également par d’autres secteurs d’activité. En effet, le développement du stockage en France satisfait de nombreux usages, pas seulement agricoles : eau potable, activité économique et industrielle, pêche et tourisme.... Il répond en outre de façon efficace à l’inégalité pluviométrique entre le Nord et le Sud et à la saisonnalité des usages.

Le savoir-faire de l’agriculteur. La façon dont l’agriculteur travaille le sol, les variétés de plantes qu’il sélectionne et les dates de semis qu’il choisit constituent autant de paramètres associés au savoir-faire de l’agriculteur et qui, parmi d’autres, contribuent directement à une moindre utilisation de la ressource en eau.

« Produire mieux en protégeant l'eau » n’est pas un simple slogan, mais une véritable stratégie qui oriente aujourd’hui la gestion des exploitations céréalières. L'amélioration continue des pratiques culturales, conjuguée à un cadre réglementaire particulièrement strict, a permis de progresser en la matière. Les progrès liés aux nouvelles technologies favorisent la disponibilité de plantes plus résistantes aux conditions des sols tout en réduisant l'apport de fertilisants ou de variétés plus tolérantes au manque d’eau.

En France, la réglementation s’inspire largement des Directives européennes, dont le but est d’assurer la gestion qualitative et quantitative des ressources en eau. La Directive Cadre européenne sur l’Eau (DCE 23/10/2000) vise à harmoniser et à simplifier la politique européenne de l’eau. Transposée en droit français le 21 avril 2004, la DCE a comme objectif « le bon état écologique des eaux et des milieux aquatiques » à l’horizon de 2015. Elle est appliquée à travers des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Ceux-ci définissent les règles de gestion de l’eau et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre une « gestion durable et solidaire de la ressource en eau ».

Par ailleurs, le Grenelle de l’Environnement a identifié plus de 500 captages devant faire l’objet d’une surveillance et de protections encore accrues. 30 000 captages d’alimentation en eau potable sont surveillés. Ils mettent en évidence des ressources bien protégées, alimentant sans traitement spécifique un grand nombre de réseaux potables. Plus de 300 000 prélèvements sont effectués chaque année dans le cadre de contrôles sanitaires. 70 % d’entre eux sont effectués en distribution, au plus près des robinets des consommateurs. On constate une amélioration constante de la qualité de l’eau mise en distribution.

Les contaminations ponctuelles, souvent d’origine accidentelle, sont la principale cause de pollution des eaux de surface et souterraines par les produits de fertilisation et de protection des plantes utilisés en agriculture. Différentes mesures permettent de les réduire très sensiblement, voire de les éviter. Notamment au niveau de l’exploitation par la récupération des eaux de rinçage des cuves et pulvérisateurs, ou par la prévention des risques de débordement des cuves lors du remplissage.

Autre mode de transfert de substances vers la ressource en eau, les contaminations diffuses sont principalement liées à l’interaction entre le produit utilisé, le sol et le climat. Les phénomènes de ruissellement et de percolation de l’eau dans les sols peuvent être à l’origine de la contamination de cours d’eaux, de nappes phréatiques et de sols. Afin de renforcer la lutte contre ces pollutions diffuses, Arvalis-Institut du Végétal a développé deux outils aux applications ciblées : AQUAVALLÉE® et AQUAPLAINE®. Il s’agit d'outils de diagnostics des risques de transferts débouchant sur des solutions concrètes. Des programmes d’actions sont alors déployés pour limiter les effets de ruissellement : réalisation de bandes enherbées en bordures de parcelle, mise en place de couverts végétaux pendant les périodes d’interculture (CIPAN), diversification des assolements pour limiter le développement de plantes adventices (mauvaises herbes), et donc l’usage de désherbant... Grâce à ces mesures, on observe aussi bien dans l’eau des rivières que dans les eaux superficielles une nette tendance à la stabilisation des teneurs en nitrates – voire une diminution – dans les bassins les plus agricoles.

Enfin, dans le cadre d’une gestion collective de l’eau, les agriculteurs participent aux instances d’orientation et de gestion : comités de bassin, schémas d’aménagement et de gestion des eaux, commissions locales de l’eau... Ils sont donc bel et bien en première ligne, et ils comptent parmi les acteurs essentiels de la préservation de la ressource en eau.

L’irrigation en chiffres
Chaque année, les pluies en France apportent quelque 503 milliards de m3, soit plus de 5 fois le volume d'eau contenu dans le lac Léman ! 180 milliards sont réellement disponibles, notamment en raison de l’évapotranspiration. Seuls 2,8 milliards de m3 sont prélevés par l’irrigation agricole. De plus, la part consommée par les plantes est restituée au milieu naturel pour les 2/3 sous l’effet de l’évapotranspiration. Enfin, si près de 10 % de la SAU française (surface agricole utile) est irrigable, seuls 6 % à 7 % sont de fait irrigués chaque année, beaucoup moins qu’en Espagne (15 %), en Italie (16 %) ou aux Pays-Bas (28 %).